Qui es-tu ?

Je suis Anne-Cécile, je suis designer, je fabrique des lignes de vêtements et d´accessoires adaptés aux soins, aux dispositifs médicaux, et à la troisième main aidante lorsque l´on ne peut plus s´habiller tout seul. 

J´anime aussi des ateliers de mode en milieux hospitaliers, où je montre comment adapter ses propres vêtements, pour décomplexer, inciter à être son propre designer, et redonner une notion créative à l´habillage, ce geste que l´on fait tous les jours !

Après un petit accident de parcours j´ai moi-même porté un corset orthopédique pendant une dizaine d´année. Mon médecin rééducateur me lance à l´époque le merveilleux défi de faire accepter le port du corset à ses patients, à travers mes créations de vêtements adaptés aux différents corsets et aux températures élevées de la Côte d´Azur. Le fait de se retrouver face à une situation où il faut détricoter son idée de la mode, a déclenché mon envie de vouloir penser le vêtement avant tout pour une personne, pour un usage, pour un contexte.. 

Prêter une oreille attentive, insuffler une idée de personnalisation, apporter un conseil de stylisme, peuvent à mon sens tout autant permettre de se ré-approprier sa silhouette, que son style, et une envie de se re-vêtir. Malgré tout. 

Se retrouver contraint dans ses choix vestimentaires qui ne correspondent plus à qui l´on est, ou qui rendent fou car on ne peut plus les enfiler s´ajoutent à un long parcours du combattant, hors s´habiller tous les matins ne devrait être un frein pour personne. Un frein ni fonctionnel, ni esthétique. 

C´est dans cette idée que j´ai créé le concept de Stylisme médical©, marque de mode dédiée au mieux-être de chaque personne vivant avec une maladie, un handicap, une condition physique spécifique.

Quel est ton rôle dans le projet Bulle de mode ?

Vanessa m´a contactée pour participer en tant que designer à ses ateliers pluridisciplinaires.

Elle l´a vécu et elle le sait : offrir un moment d´écoute et de compréhension, pour fabriquer une réponse personnalisée, c´est ça qui définit ces moments humanisants. Avec l´équipe, on prend le temps dans un moment où le temps est compté. Dans ce temps, je dois rapidement comprendre le besoin, proposer, fabriquer, le tout dans l´urgence mais avant tout avec une douceur bienveillante. 

Quel regard, information avais-tu sur la prise en charge du cancer de l’enfant ?

Dans le cadre de mon travail, je n´avais connaissance que de la prise en charge adulte. 

Concernant l´enfant, ce sont les échanges avec Vanessa et la mise en pratique des ateliers à l´hôpital, et parfois au chevet, qui m´ont immergée dans le programme des soins et l´impact sur les petits et leurs familles. L´impact moral et l´impact physique, pour appréhender chaque nouvelle étape des soins. 

Concernant les ateliers, je suis formée à l´Education Thérapeutique du Patient (ETP), ce qui me permet de mettre en pratique  des  approches  transversales   pour interagir ensemble : nous les designers,  les petits patients,  les soignants et les familles. Avant de fabriquer, on discute. Selon le moment, on va parler des soins, du vécu de l´annonce, du ressenti de la fratrie, etc. Autant d´éléments permettant d´instaurer un dialogue, et nous donnant à nous, designers, les indices essentiels à la bonne réalisation du vêtement. 

Et si ce type de design permettait d´éviter les gênes occasionnées par un vêtement devenu trop difficile à enfiler ? Et si la personnalisation prenait le dessus ? Est-ce que cela permettrait de verbaliser ce que l´on ressent ? Pouvoir peut-être le communiquer différemment ? Raconter une histoire ? 

Quels sont selon toi les enjeux du monde de la mode face à l’inclusion et la vulnérabilité ?

Pour être optimiste, je dirais que davantage de marques deviennent inclusives, et j´espère qu´on va continuer encore plus dans cette voie là, il faut en parler, il faut faire exister, il faut mettre en avant dans les médias, à l´école, dans les écoles de mode… Et cela passe par tous les acteurs de la chaîne : designers, fournisseurs de matières premières, photographes, éditeurs de magazines..

Nous devons relever ce défi, quels que soient les problèmes de rentabilité. Les enjeux médicaux, sociaux et simplement humains nécessitent le développement d´une mode adaptée devenant mode tout court. 

Parce que demain, ce sont nos familles, nos amis, nos proches, nos enfants qui peuvent lutter contre la lourde bataille du cancer. Et parvenir à simplifier le fait de s´habiller, geste à la base si simple mais devenu si compliqué lorsque l´on est usé par les soins, contraint avec des membres affaiblis, et triste de ne pas se reconnaître dans le miroir, peut procurer une joie immense, à tous. Une joie simple, voire banale, qui dans certains moments, peut paraître essentielle.