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Noah

Noah © Emilie Munck Montuclard - Expo "Du paraître à l'être" par l'Association Elise Princesse Courageuse
Ecoutez le témoignage de Noah

Il était une fois un petit garçon qui s’appelait Noah, mais ses parents lui donnaient plein de surnoms : bebé bolita, changüito, mais mon préféré est « garbancito » qui veut dire petit pois chiche, en espagnol. 

Bon, vous aviez bien compris celle-ci est mon histoire. J’ai 16 mois actuellement, mais le jour où ils ont pris la photo il manquait deux semaines pour mon anniversaire. Juste un mois et demi avant, cette histoire a commencé. 

Cela fait environ 60 dodos que je ne vois pas mon papa. Il est parti en mission et il est de l’autre côté de l’Océan Atlantique. Maman et moi, on passe nos journées à jouer, on se promène et on va à la ludothèque, mais papa nous manque beaucoup. Soudain je ne me sens pas trop bien, il y a un truc à mon bidou qui me gêne, j’ai moins faim, je mange de moins en moins jusqu’à juste prendre le bon lait de maman. On va chez le médecin, mais il dit qu’il ne faut pas s’inquiéter : « un bébé ne se laisserait jamais mourir de faim ». 

Nous allons aussi chez la cardiologue, car mon cœur fait un drôle de bruit quand il bat, ils appellent ça un souffle. J’y vais depuis toujours pour des contrôles mensuels. Ce jour-là le docteur dit à maman qu’il faut opérer, mais avant je dois faire un examen car il y a un truc à mon bidou qui est plus grand que d’habitude. Allez ! On va  faire tout ça avant que papa rentre, comme ça on sera tranquille pour les vacances au Mexique. Je ne vous ai pas dit ? Ma maman est Mexicaine et mon papa Français. 

Nous allons faire l’examen et ils ne nous laissent pas partir. Il faudra faire des examens supplémentaires, nous ne pouvons pas rentrer faire dodo à la maison. Quelques examens plus tard un défilé de médecins vient voir maman, comme dans les séries… Ils disent que j’ai une boule au bidou, les yeux de maman se remplissent d’eau, je ne les avais pas vu comme ça depuis que je suis arrivé au monde. Les médecins ne veulent pas dire « le » mot, ils l’appellent la boule, la masse. C’est maman qui demande : c’est un cancer ?

«Mais non ! Le cancer n’existe pas chez les enfants » dirent alors quelques membres de la famille. Mais si, cela existe bel et bien. Même chez les petits bébés… Papa demande à revenir en urgence, il prend un hélicoptère, un avion et la voiture pour venir me voir. Quand il arrive je suis douloureux et fatigué, j’ai des câbles partout et je me demande pourquoi papa et maman ne peuvent pas me prendre dans les bras. Mais on est ensemble, ils me font des caresses, on lit des livres ensemble, des livres musicaux, car s’il y a quelque chose que j’adore c’est la musique. Maman me répète souvent à l’oreille, ton cœur et ton corps sont forts, tu es courageux, ce n’est qu’un instant, on va s’en sortir. La « team Noah » se forme! Tout un groupe s’organise, les amis, la famille, ils font des prières,  des séances de reiki, nous transmettent leurs bons souhaits, nous font de bons petits plats…Toute aide est la bienvenue.

Nous allons dans un autre hôpital où je rencontre plein de gens nouveaux. Je vais recevoir des médicaments qui vont me fatiguer. Au début je ne bouge pas trop, les jours que j’ai passé au lit m’ont fait redevenir un bébé qui ne peut même pas tenir la tête, mais bientôt je vais me rattraper, je pourrais à nouveau ramper et me mettre debout. Nous rencontrons un nouveau rythme de vie, on dirait que papa, maman et moi sommes dans une bulle de savon et nous nous laissons porter, nous allons là où ils nous dirigent, nous allons à la maison quand ils nous disent que nous pouvons y aller, nous revenons à l’hôpital quand il le faut. On a de la chance car nous n’habitons pas loin et ces petites pauses nous font du bien… Je peux retrouver mes jouets et mon lit.

Peut-être ça ne se voit pas sur la photo mais je suis un bébé très souriant. On dirait même que je charme les infirmières avec mon sourire, j’en profite pour piquer leurs stylos… j’entends souvent dire que je suis très calme pendant les examens. Je fais de mon mieux pour m’adapter, hein ? Ce qui est bien c’est que maman et papa sont toujours avec moi, ils ont pu mettre de côté leurs travails, maman répond de temps en temps à des mails et les collègues de papa lui ont donné des jours de repos….

Même s’il y a des docteurs qui disent que je dois continuer à faire ma vie de bébé, on reste pas mal de temps juste nous trois, on fait des mini confinements. Nous ne voulons pas tomber malades, même si nous ne pouvons pas y échapper …  Ce qui est sympa c’est quand il y a le monsieur qui fait de la musique à l’hôpital, je vous ai dit que j’aime la musique ? J’adore le rock n’roll.

Un grand cap pour battre la maladie c’est la chirurgie. Quand le jour J arrive, on fredonne « I will survive » et d’autres « chansons de guerre ». Je me réveille douloureux, papa et maman ne peuvent pas rester la première nuit, c’est dur d’être seul. J’ai du mal à bouger à nouveau, j’ai mal… nous restons quelques jours qui sont difficiles et nous changeons d’hôpital. J’en ai marre d’être au lit, je veux pouvoir me tourner, dormir avec maman, je me lève et j’arrache les câbles, la sonde. Le médecin fait la grosse voix, mais je n’y peux rien, je suis un bébé, il ne faut pas l’oublier. Notre cadeau de Noël c ‘est de quitter le service de réanimation et nous allons dans une chambre. J’ai même vu le père Noël deux fois, une dans chaque hôpital. Je pense que lui aussi était fatigué et il ne m’a pas reconnu, car j’ai reçu le double des cadeaux.

Maintenant c’est la dernière ligne droite, ce méchant qui vivait dans mon bidou, est un caméléon. Il a réussi à leurrer les médecins, on pensait que c’était un hépatoblastome, mais en fait c’est un cancer germinal – je vous laisse Googler… – mais ça veut dire en gros qu’il faudra ré-ajuster les médicaments pour être sûr de bien faire le ménage et que cela ne revienne JAMAIS.

Bientôt tout ne sera qu’un mauvais rêve dont je ne me souviendrai pas, on croise les doigts. Il faudra continuer à surveiller bien sûr, mais ce qu’il ne faut SOURTOUT PAS oublier, c’est qu’on peut garder le sourire même dans les moments les plus difficiles, et on peut même être heureux. Car ce que la maladie nous a offert comme cadeau,  elle ne peut pas nous l’enlever, et c’est le fait d’avoir passé ensemble cette période, de nous être battus ensemble. Et il ne faut pas non plus oublier qu’il faut vivre la vie à chaque instant et construire nos rêves tous les jours.